De nombreux drames de mer
Anna Chapalan
La proximité de la mer a toujours représenté une source de survie conséquente pour les paysans henvicois, dont beaucoup, jusqu’à un passé assez récent, étaient aussi «inscrits maritimes». Outre la pêche, la mer apportait jusqu’à l’arrivée des engrais chimiques, le goémon, qui servait à enrichir la terre. Source de richesse, la mer fut hélas aussi source de bien des drames. Les registres d’époque, relatent un nombre très important de noyades consécutives à des naufrages qui ont eu lieu sur les côtes de notre commune ainsi que sur celles de Carantec.
Les faits parmi les plus lugubres de ce chapitre, qui ont éprouvé cruellement la population de Henvic, sont la perte de la barque de François Guillou, de Kervor, en 1693, et de la gabare de Louis Paugam, en 1759. Deux terribles catastrophes où périt une grande partie de la jeunesse, embarquée pour la récolte du goémon. On en fit des gwerz qui se chantaient encore, quand Monsieur de Penguern, juge de paix à Taulé les recueillit en 1851. « Anna ar Chapalan » raconte un drame de mer lors d’une récolte de goémon. Les corps de ces malheureux était amenés à la Chapelle Ste Marguerite, avant d’être enterrés.
La mélodie n’est pas connue, c’est pourquoi Annie Ebrel, chanteuse de renom du Centre-Bretagne, réinterprète le texte sur un autre air traditionnel. Voici ce que nous raconte cette gwerz.
Anna ar Chapalan
Anna ‘r Chapalan ‘ lavare
D’he zad, d’he mam eun deiz woe,
Va zad, va mamm ma n’em c’heret,
Warc’hoaz ‘n od, n’em c’hsit ket
Va spered ‘ro din da gredi
Ma dan warhoaz ‘n od e veuzin
C’hwi Annaig a zo pedet
Ha c’hwi ‘vezo ‘renko moned
Da bea ‘r bara ‘zo drebet
Ha d’ober trimp da c’hounid ‘n ed.
Anna’r Chapalan lavare
Da Lorans Vreton , eun deiz woe,
Loranz Vreton chomit er ger
Chenchet en deus ‘roud an avel
Eun tourmant vraz ‘zo en amzer.
Chenchet ‘n avel ‘roud a garo
Rag hirio,en od me a yelo!
Va skav ‘zo krenv, va goel neve
Me n’varvin ket evid mare.
Anna’r Chapalan lavare
D’Lorans Vreton, enon, neuze
Lorans Vreton chomit er ger
Eun dourmant vraz zo en amzer.
M’hallet beza tremen Rikar
Ker buhanig ni zo gaillar!
Ne ket he zremen a rejont
En e c’heiz e c’herujont
« Adieu ma mamm, adieu ma zad
Biken n’ho kwell va daoulagad
Tavit Annaig, na wellit ket
M’ho kaso c’hoaz de Garantek
Me ‘vel a c’hal’n beret Karantek
Ha remerk enni eur beleg
Gwisket e gwen
Prest d’rei deom-ni an absolven
Stouomp war on daoulin d’he goulen!
C’hane want karget en kiri
D’ho digas d’Henvic d’interri
C’hane want karget en pemp kar
Da digas d’Henvic d’an douar.
« Anna Chapalain disait à son père et à sa mère un jour, « Mon père, ma mère, si vous m’aimez, demain, ne m’envoyez pas sur la côte. Si j’y vais demain, je me noierai. Annaïg, vous devrez y aller, pour payer le pain que nous avons mangé, et pour gagner notre pitance. Anna Chapalain disait à Laurent Breton, « Laurent Breton, restez chez vous, le vent a changé de direction, il y a une grande tempête dans l’air. – « Que le vent tourne ou pas, aujourd’hui, j’irai sur la côte, mon embarcation est solide, ma voile est neuve »… Ils se retrouvèrent au milieu de la tourmente, « Adieu ma mère, adieu mon père, jamais plus mes yeux ne vous verront. « Je vois d’ici le cimetière de Carantec, et j’y remarque un prêtre. Il est habillé en blanc, prêt à nous donner l’absolution…. De là, ils furent mis dans dans cinq charrettes pour être conduits en terre à Henvic ».